La mémoire et l’oubli, Ecole Régionale des Beaux-Arts de Rennes
Workshop 14, 15, 16 mars 2006 et conférence le 14 mars 2006.
http://incident.net/users/gregory/
Les notions de mémoire et d’oubli permettent de problématiser de façon théorique et pratique une grande partie des productions contemporaines et en particulier celles des nouveaux médias. En effet, on peut penser à la suite de Vilèm Flusser et de Bernard Stiegler dans La Technique et le Temps 1, que celles-ci sont un développement de la mémoire : l’histoire humaine pourrait être aperçue comme la progressive inscription de plus en plus de signes sur un support de plus en plus petit passant des tablettes d’argiles aux livres, l’art étant alors une manière de l’inscription de la mémoire. Les supports informatiques constitueraient une véritable accélération, le rapport signes/supports prenant des proportions jamais connues : des encyclopédies entières étant contenues dans quelques millimètres.
Cette nouvelle situation de la rétention, et donc de la transmission, n’est pas sans influence sur la façon dont les gens construisent leurs perceptions et sur les productions artistiques actuelles. Elle n’est pas sans influence sur la constitution des sociétés de contrôle qui permettent la traçabilité et le recoupement entre plusieurs mémoires (bases de données).
Si notre époque ne cesse de prôner la mémoire, la conservation et les archives et en particulier par le biais des supports numériques, elle est aussi celle où l’oubli est le plus grand. On connaît bien ce paradoxe dans le champ artistique : depuis l’apparition des supports industriels (en peinture par exemple), la conservation des oeuvres pose de nouveaux problèmes. Certaines peintures impressionnistes tombent en lambeaux, tandis qu’une bonne part de l’art vidéo a disparu dans la dégradation des supports magnétiques. De nombreux travaux n’existent plus que d’une manière rapportée (récit, documentation, etc.)
Les arts dits « numériques » accélèrent encore ce processus. Idéologiquement, les supports informatiques promettent une mémoire sans défaut, mais dans les faits de nombreux CD-Rom qui n’ont que quelques années sont déjà devenus illisibles. Cette obsolescence prend d’autres formes : l’accumulation de multiples mémoires non hiérarchisées (base de données, blog, RSS, etc.) rend ces dernières difficilement consultables, car comment s’orienter dans ce flot ? De quelle façon construire des requêtes produisant des résultats en accord avec des attentes ? L’externalisation de la mémoire se retourne comme un gant : les travaux actuels ne survivront-ils que dans la mémoire des spectateurs ? La mémoire est construite par un processus de sélection qui écarte certaines données et en intègre d’autres. Or l’évaluation, la validation, et plus généralement les procédures de légitimation sont en crise.
Ce workshop a pour objet d’expérimenter les limites et les relations ambivalentes entre la mémoire et l’oubli, et de montrer combien notre mémoire intime et existentielle est hantée par les moyens de mémorisation technologiques.
1.La première journée est dévolue à une introduction théorique et interdisciplinaire sur le thème mémoire/oubli. Des travaux artistiques permettront de soutenir le propos en montrant combien cette problématique peut être un axe de lecture fécond. En fin de journée et pendant la soirée une programmation de films populaires permettra de donner d’autres exemples des relations entre la mémoire et l’oubli et de montrer combien le cinéma est un art propice à cette thématisation.
2.Les étudiants passent la seconde journée à approcher des outils de mémorisation et d’archivage (caméra, audio, blog, gps, etc.) ainsi que les technologies de mémorisation involontaire (vidéosurveillance en particulier). Présentation du concept de base de données. L’après-midi, les étudiants doivent écrire leurs projets. Cette modélisation fait partie intégrante du workshop et permet de questionner la possibilité même d’une mémoire anticipative.
3.Ensuite on leur propose pendant deux journées d’alterner la mémoire et l’oubli. Une journée est consacrée à ne rien oublier, une autre à tout oublier. L’ordre des journées et la durée de l’expérience est à la discrétion des étudiants ainsi que l’élaboration d’un protocole précis. A la fin de chaque journée les étudiants doivent remettre le résultat de leurs recherches pour en permettre l’intégration dans une interface commune.
4.Ibid.
5.Dans un dernier temps, on classe et archive l’ensemble des données et non-données ainsi récoltées avec l’évident paradoxe de documenter la journée où tout doit être oublié.
Journée 1:
Conférence
Soirée cinéma:
La Jetée, Chris Marker
L’année dernière à Marienbad, Alain Resnais
Memento, Christopher Nolan
Marathon Man, John Schlesinger
Lost Highway, David Lynch
Journée 2:
Modélisation des projets
Présentation de la base de données
L’oubli ou la mémoire
Intégration des données
Journée 3:
L’oubli ou la mémoire
Intégration des données
A suivre:
Après-coup
Intégration dans la base de données